Les arts martiaux traditionnels sont-ils encore efficaces?
Robert Paturel: B.E.E.S .2 (brevet d´état d´éducateur sportif 2e degré) Boxe Française, Gant d’or, champion de France & Champion d’Europe 1984, concepteur de la méthode Boxe de rue & méthode Française de tonfa sécurité enseignée dans la Police, Diplôme de négociateur (gestion des situations de crise), intervenant et instructeur au RAID pendant 20 ans (tactique, tir, combat, négociation), cadre Technique à l’ADAC
Jacques Tapol: 7ème Dan de karaté, champion de France, d’Europe et du monde, professeur de cette discipline.
Philippe Da Costa: Champion de France et vainqueur de la coupe du monde en Quan Ki Do, instructeur Krav Maga ICCS, concepteur du module “lutte de rue”, gestion du corps à corps, animateur BMF2 Contact Défense, formateur gestion des actes de violences, sambo FFL. Philippe a travaillé dans la sécurité pendant 10 ans.
Jacques Lecomte: 6eme dan aïkido, instructeur systema école Maksimtsov, professeurs de ces 2 disciplines.
Paco Martinez: Instructeur principal en Dao shu art martial eurasien multiforme, qui enseigne une méthode supérieure de maîtrise et de défense de soi et d’autrui. Il peut être pratiqué par tous sans qu’aucune condition physique préalable ne soit nécessaire. Paco est infirmier en psychiatrie dans un service dit “pintentaire”.
Questions:
1- Pensez vous que les arts martiaux traditionnels sont encore efficaces?
Robert Paturel: NON! Pas tel qu’ils sont pratiqués aujourd’hui
Jacques Tapol: D’abord il faut définir ce qu’est l’efficacité et ce qu’on recherche. Pour ma part je ne vais parler que des arts martiaux japonais, qui sont issus pour la majorité des arts chevaleresques et du karaté do qui a été rajouté ensuite dans les arts martiaux japonais. Tout part de l’idée du « do » qui codifie les arts aux japonais et que l’on retrouve dans kyu do, aikido, karaté do,iado, etc. Avant le do était remplacé par jutsu qui pour simplifier signifiait « techniques pour tuer ». Cela signifie que par la pratique on cherche à s’améliorer personnellement et dépasser l’idée du combat mortel et de la self défense. Si on ne recherche que l’aspect efficacité pour une self defense immédiate, on peut dire que ce n’est plus le but recherché dans un art martial traditionnel et qu’il y a d’autres techniques plus adaptées.
Jacques Lecomte: Il conviendrait peut être de définir ce qu’est un art martial traditionnel. A l’heure d’aujourd’hui, en existe il encore? Réellement? Je dirais que pour qu’un art martial soit efficace, il faudrait en connaitre le but. Efficace en combat? Efficace en confrontation règlementée? Efficace pour dépenser son énergie? Efficace pour se donner une voie, une ligne de vie? Si la question se rapporte au combat, l’art martial doit préparer à ce combat. Si il s’agit de self défense, il faut s’entrainer en situation de self défense. On ne peut pas réagir de pareille manière en Keikogi sur un tatamis après un bon échauffement et dans une tenue de ville dans un escalier, assis dans sa voiture ou même dans l’eau jusqu’a la taille à froid. Le contexte, le lieu, le moment et la nature du combat sont autant de situations différentes auxquelles les pratiquants d’arts martiaux et sport de combat ne sont pas préparés. L’impact psychologique d’un combat réel, non préparé vécu a froid, qui va stimuler les systèmes sympathiques et para sympathiques qui sous-tend à une issue mortelle peut faire perdre la totalité des moyens au “meilleur combattant sur ring” ou “sur tatamis”.
Paco Martinez: Les arts martiaux sont de plus en plus inefficaces car inadaptés à notre temps, ils favorisent l’apparence de la puissance musculaire et du spectacle plutôt que la recherche réelle de l’efficacité.
Philippe Da Costa: Non! Actuellement, les arts martiaux favorisent l’aspect sportif au détriment du réalisme.
2- La compétition n’a t-elle pas tué l’essence des arts martiaux?
Robert Paturel: Oui!! La compétition avec tous les parasites et interdits ne peut-être conducteur d’efficacité
Jacques Tapol: Si on considère la compétition comme une méthode d’entrainement ; celle-ci ne peut pas tuer l’essence des arts martiaux. L’entrainement, dans un dojo n’est pas plus réaliste que la compétition car là aussi tout est codifié. Il n’existe jamais de combats totalement libres dans un dojo. On est loin de la réalité. D’ailleurs la plupart des méthodes de self defense sont développées dans des clubs sportifs pour des gens qui ne sont ni dans l’armée ni des forces de sécurités ou autre… Et parfois par des gens qui s’inspirent des commandos sans y avoir été eux même. Tout dépend donc de l’esprit du pratiquant. Si on n’en fait de la compétition en pratiquant tous les aspects d’une discipline et notamment l’aspect culturel, ca ne peut être que bénéfique.
La compétition ne tue pas l’essence des arts martiaux mais c’est plutôt la réflexion du pratiquant si celle-ci est limitée. Pour ma part j’ai fait de la compétition pour éviter de me battre dans la rue. J’avais envie de me tester, dans quelque chose qui allait me faire progresser pour gérer mon stress, les blessures, etc. Le judo, qui est critiqué à tord, n’a pas été créé pour la self defense mais par quelqu’un d’humaniste qui voulait développer une lutte ritualisée et éducative. La compétition ne tue rien que ce soit en judo ou en karaté mais répond à l’attente de certains jeunes. Pour ceux qui veulent se protéger contre les agressions il y a soit d’autres méthodes, soit d’autres formes d’entrainements. Mais je suis dubitatif sur certains qui prônent des méthodes « très réalistes », car ils n’ont pas tous l’expérience du terrain et s’entrainent avec des pistolets, mitraillettes et couteaux en plastique ! Est-ce qu’ils combattent à mort au club avec des armes réelles sans aucunes règles? A mon avis ils passent eux aussi par des méthodes d’entrainement codifiées.
Jacques Lecomte: Par définition, dans un combat, la défaite, c’est la mort! La compétition, en supprimant les actions efficaces, interdisant les coups “tordus” et dangereux, est incompatible avec la notion d’art martial. On se permet de mourir et “re mourir”, dans des règles que l’on aurait bafoué dans un combat réel. Ne crèverait on pas les yeux de la personne qui nous étrangle dans un cas réel? Dans l’art de la guerre, attaquerions nous notre adversaire, de face après l’avoir salué? On pourrait penser que dans un art martial la capacité à atteindre son but serait le but de l’entrainement. Donc dimension stratégique, organisationnelle, psychologique liées forcément aux compétences martiales.
Paco Martinez: La compétition avec toutes les règles pour faire durer le spectacle et les acteurs est a l’opposé de l’esprit des arts martiaux, l’esprit et l’art étant indissociables quand l’esprit disparait l’art disparait aussi.
Philippe Da Costa: La compétition est synonyme de cérémonial, de règles. Tout ce qui est obsolète dans un affrontement de survie.
3- Le mental est-il occulté au profit des médailles et des diplômes?
Robert Paturel: Oui!!! et ça rejoint ce que je dis plus haut.
Jacques Tapol: Tout dépend toujours de la mentalité du pratiquant ! Il y en a qui sont attirés par la « cordonite » et les honneurs et d’autres qui sont sincères et humbles. Dans tous les domaines il y en a qui ne pensent qu’à leurs intérêts et d’autres qui se mettent au service des autres. Il y a toujours eu les deux, même par le passé pendant ce qu’on nommait l’age d’or des arts martiaux. Miyamoto Musashi en parlait déjà dans le traité des « cinq roues ». D’ailleurs des films comme « hara kiri » sont des critiques sur cet âge d’or des Arts martiaux et la quête des honneurs et tîtres comme « Après la pluie ». Je ne sais pas vraiment ce qu’est le mental car en tant de guerre ou face à des situations très difficiles ce sont parfois ceux qui se vantent le moins qui répondent présent. D’autre part médailles et diplômes ce n’est pas pareil. Pour certaines compétitions on subit des blessures assez conséquentes, et des ko en karaté, n’en déplaise à certains, et on doit quand même continuer. Alors certes, ce n’est pas du combat réel, mais c’est un bon début pour s’entrainer. Alors je ne comprends pas ces réflexions sur le mental, car la self defense et le combat réel sont autre chose et chacun s’entraine pour ce qu’il souhaite. Les diplômes sont autre chose. En combat réel il n’y a aucune certitude alors ces réflexions sur le mental sont une façon pour certains de se revaloriser en dévalorisant les autres. Alors franchement ca me saoule, car pour les compétiteurs nous nous occupons de nous entrainer pour notre plaisir, sans chercher à rien prouver. Tandis que j’entends sans arrêt des gens qui nous critiquent alors qu’ils n’en font pas plus et qu’à part quelques uns qui ont l’expérience du terrain comme M. Paturel, ils ne font que rêver qu’ils sont des surhommes.
Jacques Lecomte: Il est indispensable de forger son mental, de le préparer à vivre des chocs et remises en question. La préparation psychologique est primordiale. Vivre des situations non prévues, dans lesquelles nous perdons tous nos repères, ou toutes les règles sont remises en cause. Dans un vrai combat il n’y a jamais de gagnant. Personne ne s’en sort indemne, ni physiquement, ni mentalement, et parfois juridiquement. La vraie victoire, c’est la victoire sans combat! La compétition, les médailles, coupes et classements on l’effet perverse d’offrir une satisfaction post combat. D’enrober de papier cadeau la capacité grave à entrer dans le combat. D’ailleurs combien de déçus ou mécontents pour combien de satisfaits lors d’une tournoi? Un seul gagnant et moult perdants?
Paco Martinez: Certes le mental est occulté au profit des médailles et diplômes, car la société actuelle donne plus de crédit à un morceau de fer ou de papier qu’au mental qui est une vielle donné dont peu de gens connaissent l’utilité et la manière de le travailler.
Philippe Da Costa: L’enjeu d’un affrontement dans la rue, c’est préserver son intégrité physique et mental. La récompense, ce n’est ni une médaille ou un diplôme. Si nous ne sommes pas préparés à cet enjeu, nous allons droit vers l’échec. Détermination, combativité sont les éléments primordiaux pour un combat de survie.
4- Maitre Minoru Mochizuki déclarait “Je pense que le jour où les arts martiaux Japonais seront devenus des sports Ils seront morts”, qu’en pensez-vous?
Robert Paturel: Je partage totalement sont point de vue c’est la sagesse même
Jacques Tapol: Maitre Minoru Mochizuki est né en 1907 et a connu les derniers soubresauts de la féodalité Japonaise qui n’a été abolie qu’en 1868. Il a lui-même été élevé dans la notion de « jutsu » ou art de tuer sans qu’il soit un homme sanguinaire.Il a du connaitre des maitres issus de l’ère Tukogawa mais auss un maitre Ueshiba qui lui était complètement dans une forme de spiritualité et dans le do. Il n’était pas versé dans le sport ayant lui-même été appelé semble-t-il pendant la guerre de Mandchourie. Sa réflexion était celle d’un homme partagé entre deux mondes et élevé dans l’esprit des samouraïs, et de l’entrainement guerrier. Nous devons réfléchir suivant les critères de notre époque et d’après une société qui n’est pas sans cesse en état de guerre ou de conflits. Les maitres d’armes par le passé s’entrainaient pour la guerre au japon pendant l’ère Tokugawa et ensuite pendant l’ère meiji ils ont continué sans pouvoir faire la guerre. Donc ces réflexions sont fondées sur une société qui n’existe plus.
Jacques Lecomte: Tout à fait d’accord, pour les raisons évoquées plus haut!
Paco Martinez: Ce que je voie actuellement sur les arts martiaux et technique de combat donne complètement raison à Minoru Mochizuki
Philippe Da Costa: C’est valable pour toutes les disciplines martiales et de self-défense
5- Jigoro Kano disait « Toute victoire qui n’entraîne pas la conviction et la transformation du partenaire, n’est qu’une apparence et une illusion. Vaincre sans convaincre n’est rien. ». Ne croyez-vous pas que les arts martiaux sont tombés dans l’illusion aujourd’hui?
Robert Paturel: On insiste beaucoup sur le fair-play qui est une valeur en tant de paix. Je pense que le guerrier laisse tous ces beaux sentiments quand le moment d’intervenir se présente.
Jacques Tapol: Jigoro Kano parle de judo et donc d’une lutte éducative à l’entrainement ou en compétition. Il parle donc de partenaire et non d’adversaire. Aussi quand on gagne, en sport ou à l’entraînement, ca doit entrainer la transformation du partenaire. En combat réel c’est sur qu’on peut éventuellement entrainer la transformation de l’adversaire si il est encore vivant. Les arts martiaux sont complètements dans l’illusion, pas pour ceux qui pratiquent une application sportive car ils sont dans leur sport. Mais parfois pour ceux qui pensent détenir une vérité sur leurs méthodes d’entrainement, car en combat réel, on est jamais sur de rien.
Dans les arts martiaux traditionnels on s’entraine surtout pour essayer d’améliorer notre comportement dans la vie de tous les jours car justement, nous savons que vouloir être plus fort que les autres est une illusion. Le but étant le combat contre soi-même. Aussi croire qu’on a la « martingale » idéale pour entrainer à surmonter toutes les situations en combat réel est une illusion. Pour ma part je suis très content que mes élèves soient inefficaces, car ils s’entrainent pour le plaisir et en vivent pas dans la paranoïa !
Jacques Lecomte: On voit régulièrement qu’une correction amène à des représailles, une altercation entre deux personnes finit en bataille rangée. Il n’y a pas de victoire dans un combat, les deux combattants en sortent blessés. Chacun à un niveau différent peut être. La seule victoire peut résider dans le fait d’avoir pu rester en vie.. Jusqu’à?
Paco Martinez: Complètement affirmatif de mon point de vue
Philippe Da Costa: Seul le résultat compte. Notre esprit et notre corps doivent être tournés vers un seul objectif : vaincre à tout prix.
6- Les Maitres d’hier & d’aujourd’hui sont-ils responsables de cette situation? Les dirigeants des Fédérations ? Le système d’une société basée sur la dualité?
Robert Paturel: Automatiquement nous sommes tous un peu responsables, pour forger des combattants il faut commencer par les maltraiter à l’entraînement, si vous faites ça dans un club ils vont tous aller porter plainte et changer de sport.
Jacques Tapol: Je crois qu’il faut tout simplement savoir pourquoi on s’entraine et ce qu’on recherche. Il est difficile de parler des maitres d’antant et d’aujourd’hui car il y en a toujours qui bâtissent leur réputation soit sur une forme de légende, soit sur une pseudo efficacité. Certains font de la réclame et se vantent. D’autres ne sont pas dans la même démarche. Les fédérations essaient de gérer un peu tout çà mais c’est surtout le comportement de certains qui est répréhensible. Il peut y avoir une forme de dualité car on s’entraine sur une prétendue efficacité tout en recherchant dans le traditionnel une élévation de l’esprit. Je dirais qu’on imagine symboliquement des situations de self défense et l’attitude que l’on devrait avoir. Tout en essayant de ne pas sombrer dans des techniques trop violentes, ni trop efficaces car on recherche une certaine esthétique morale et gestuelle. Dans le karaté do on n’est pas forcément efficace comme çà ! Mais qui peut dire ce que donnera un homme en situation extrême.
Jacques Lecomte: La société, les ministères, le fait d’intégrer les arts martiaux aux sports, sont responsables de cette situation. Le besoin de reconnaissance, d’exhibition de la personne, se montrer le plus fort! Les résultats en compétition et surtout les moyens financiers qui y sont afférents ont dénaturé les arts martiaux aujourd’hui.
On pourrait imaginer qu’un vrai guerrier, cacherait ses facultés martiales a ses adversaires potentiels, stratégiquement.
Paco Martinez: La dualité permet l’affrontement des êtres qui permet le spectacle Dans tout spectacle se cache un business. L’homme étant avide de spectacle, voilà le résultat
Philippe Da Costa: C’est notre société actuelle avec ses règles aseptisées qui empêche un enseignement réaliste. Si l’instructeur sort de la norme, il peut se faire interdire le droit d’enseigner.
7- L’art martial est une école de la vie. Aujourd’hui on assiste à un enseignement copier/coller généralisé. Maitre Wang disait que notre société a perdu le contact avec l’esprit car nous fonctionnons principalement sur le mode de la logique. Nous voulons tout analyser et éprouvons des difficultés à museler l’esprit logique et à écouter notre être intérieur, notre être primitif, ce qui étouffe notre instinct et notre intuition. Etes-vous d’accord avec lui?
Robert Paturel: Le maître doit être un guide, un éducateur mais peu d’élèves aujourd’hui sont réceptif à ce que l’enseignant veut amener, ils se comportent pour certains comme sur les bancs du lycée, ils viennent “consommer”, ils ont payé pour ça et vous le font comprendre.
Jacques Tapol: Ce sont des phrases creuses et on ne peut généraliser comme çà. Pratiquer et surtout enseigner c’est concevoir des entrainements construits pour atteindre des paliers. Je pense donc qu’un entrainement bien conçu peut permettre de retrouver l’instinct et de développer l’intuition. Il suffit d’être un bon professeur, de réfléchir et de tester!
Jacques Lecomte: En grande partie oui, dans un réel cas, un combat réel, l’esprit logique n’aura pas la parole, le primitif, le cerveau reptilien prendra les commandes et tout le travail de préparation, tout l’entrainement logique, souvent inadapté aux réelles situations, imprévues, restera dans la case “regrets” ou “outils non utilisés”.
Paco Martinez: D’accord avec Maitre Wang. La société nous parle souvent de notre être primitif comme de quelque chose de négatif que l’on doit rejeter en bloc, Cependant on oublie que selon les lois de l’équilibre toute chose négative provoque systématiquement un opposé positif qu’il serait bon d’exploiter
Philippe Da Costa: Nous évoluons dans un monde fait de logique et de raison et nous avons mis de côté notre instinct. Dans un affrontement pour la survie, la logique et le raisonnement laissent place au cerveau reptilien. Notre enseignement doit être tourné vers l’apprentissage de bases et de principes.
8- Que pensez-vous de l’association école de survie & arts martiaux pour mieux gérer ses émotions sur le terrain et développer ses propres sens et instincts?
Robert Paturel: Je pense que c’est une bonne idée c’est un pas de plus franchi pour accéder au mental et ça peut faire une bonne association avec le combat;
Jacques Tapol: Oui je pense que c’est une bonne idée pour essayer de se mettre dans des situations difficiles et surtout savoir gérer des moments de stress. D’ailleurs de plus en plus de cadres ou de sportifs ont recours à des stages du genre « préparation commando ». Pour ma part avant les championnats du monde de Sydney où j’ai gagné la médaille d’or, je m’étais préparé avec des stages de ce genre. Ca me permettait m’entrainer à faire face à l’imprévu pendant les compétitions et d’être prêt à tout ; ce qui m’a beaucoup servi car il n’y a que des situations difficiles à gérer dans un championnat de ce niveau. J’avais mis au point beaucoup d’exercices avec Thierry Masci (Champion du monde en mi-moyen en même temps que moi lors des championnats du monde 1986 en Australie) en situation difficiles dans le vide, le froid , l’inconfort … Ca a été une des raisons de notre succès car pendant les vacances nous ne voulions « bronzer idiots ». Pour la survie ca commence à quel moment ? Mais je pense que pour ceux qui font des arts martiaux en compétition ou seulement en traditionnel ca peut être bien de sortir du confort du dojo ou du club.
Jacques Lecomte: Elle permet de mettre les élèves en situation extrême, en situation inhabituelle. De leur faire perdre leurs moyens par le biais d’exposition au chaud ou au froid, à la déshydratation ou la sous alimentation en face d’inconnues souvent insupportables. C’est un très bon exercice et permet de voir ce qui reste efficace ou pas hors de nos contextes habituels
Paco Martinez: Cette association démontre qu’ils sont plus proches de l’art martial que beaucoup de prétendus maîtres “hyper” diplômés.
Philippe Da Costa: C’est aller encore plus loin dans le développement de l’instinct de survie.
9- Eric Garnier Sinclair déclare que la vie dans son processus vivant, dans son expansion dynamique est une sans division. Le corps sans esprit est sans utilité et que combat, santé et spiritualité sont indissociables pour comprendre l’essence véritable d’un art martial. Trop négliger le comportemental engendre un art martial inefficace. Partagez-vous son avis?
Robert Paturel: je suis d’accord sur le fond, mais quel art martial , il y en a tant, , pour moi le mental permet surtout de ne pas tergiverser et savoir passer en “mode combat” dès que la menace se précise, en ce cas le lien est fait automatiquement. Il y a des pratiquants qui ne verront pas le moment ou ils sont en danger. Et des non pratiquants qui auront ce sens développé. Pourquoi???Toute la question est là et je me la pose toujours.
Jacques Tapol: Oui je suis d’accord que l’on doit être en harmonie avec soit et donc en unité. Dans tous les cas c’est l’esprit, la volonté qui va permettre de surmonter la douleur et les épreuves. Dans spiritualité, je retiendrais « spirit » comme en Anglais qui signifie tout simplement l’esprit. Le comportement et l’attitude sont régis par l’état d’esprit dans lequel on aborde les choses .C’est l’état d’esprit du pratiquant et sa sincérité qui vont conditionner sa réflexion et sa pratique. Je ne sais pas si négliger le comportemental engendre un art martial inefficace car on a que très rarement l’occasion de tester son efficacité. Par contre, il est important de bien réfléchir pour bien concevoir ses entrainements et être « efficace » dans les exercices.
Jacques Lecomte: Le corps et l’esprit ne font qu’un, comme la main et son reflet dans la glace. Oui je suis en bonne partie d’accord avec lui.
Paco Martinez: Je partage complètement son avis. Les religions nous disent que le corps ne peut vivre sans l’âme et beaucoup de gens le croient. Cependant lorsque l’on dit que l’efficacité nécessite la participation du corps de l’esprit cela va à l’encontre de ceux qui ne voit dans les arts martiaux qu’une suite d’enchainements et de techniques dépourvus d’âme et donc de spiritualité.
Philippe Da Costa: Corps et esprit ne font qu’un. Si l’un ne suit pas l’autre, l’affrontement risque de mal se terminer. Il faut être capable de passer du mode zéro au mode combat en une fraction de seconde sans se poser de question et après l’affrontement repasser à la normale. Sans préparation mentale, c’est difficile.
10- Il dénonce également que la majorité des pratiquants se focalise sur une codification et une posture imposées, occultant la présence du mental et des facteurs psychologiques, empêchant de surcroît le développement des instincts naturels. Etes-vous d’accord avec ce point de vue?
Robert Paturel: Encore une fois ça rejoint ce que je dis à la question précédente. Le combat n’est pas une science exacte, sur une même attaque vous ne réagirez peut être pas de la même façon le matin ou le soir, selon que vous êtes accompagné ou pas, selon l’endroit ou vous vous trouvez il y a tellement de paramètres .Tant d’inconnu.
Jacques Lecomte: Nous sommes tous passé par ces pratiques, les répétitions de mouvements a n’en plus finir, las katas et autres méthodes qui ne sont efficaces qu’après avoir été répétées des milliers de fois. Je pense aujourd’hui que rien ne vaut la spontanéité et l’écoute des réactions innées en nous. Permettre a un combattant de sortir ce qu’il a déjà en lui est la meilleure école de self défense. Rien n’est plus rapide que la main qui touche un support brulant et qui s’en écarte dans un vrai reflexe.
Paco Martinez: Je suis complètement d’accord sur le fait que beaucoup de pratiquant préfères le faire savoir engendrer par la gestuelle plutôt que le savoir-faire qui est beaucoup plus difficile d’approcher et donc à acquérir.
Philippe Da Costa: L’affrontement est aléatoire. Pleins de paramètres rentrent en jeu. Mais si vous n’avez pas développé votre esprit d’adaptabilité et votre détermination, le combat risque d’être difficile.
11- Etes-vous confiant dans l’avenir des arts martiaux traditionnels face à la mode du MMA et face à une politique axée sur les résultats?
Robert Paturel: Encore une fois même le MMA a ses règles, ce n’est pas la rue. Dans la rue on va intégrer des frappes interdites, et se servir de toutes les parties du corps pour frapper, on va mordre, griffer, pincer, mettre des doigts dans les yeux; mettre des coups de tête. Et puis dans la rue il vaut mieux éviter d’aller au sol, en considérant que vous êtes dans le camp des gentils, les méchants sont rarement seuls et ils risqueraient de venir jouer au ballon avec votre tête.
Jacques Tapol: Oui je suis complètement confiant car depuis 40 ans il n’y a que des phénomènes de mode ! Le MMA, même si c’est un sport difficile qui demande d’énormes qualités, reste un sport. Certaines personnes y adhèrent mais il y a toujours des gens qui souhaitent l’esprit du do et notamment dans le karaté do. J’ai beaucoup de gens qui viennent pour la culture, la réflexion qu’apporte la tradition. Il rechercher aussi une forme de joute stylisée et codifiée, car ce ne sont pas des surhommes et ne cherchent à se leurrer en pensant qu’ils peuvent l’être. Ils ne cherchent pas à prouver qu’ils sont plus « complets » ou « meilleurs », car ils n’ont rien à prouver et s’entraine pour seulement améliorer « leur cœur » ! J’ai de plus en plus de monde dans monde dans mon dojo et j’ai des gens qui reviennent vers la discipline du karaté do ! Il y a de la place pour tout le monde et pour toutes les aspirations.
Jacques Lecomte: Les sports ont leur avenir, aujourd’hui la question n’est pas d’être efficace en combat réel ou non, il n’y a qu’a voir les sports les plus suivis au monde. Quelle martialité dans le football? le base ball? Le Judo? Le catch? Oui les arts martiaux et sports de combat auront toujours leurs afficionados. Avec leur système de compétitions, de trophées et de ceintures de champions du monde. Je pense que c’est bien comme ça! Que tout le monde n’est pas prêt à étudier un art martial proche du combat réel et d’en mériter l’enseignement”.
Paco Martinez: Pour moi l’art martial réel est un art qui s’adsapte et se developpe selon la société dans lequel il se trouve. La société occidentale cherche en permanence le contrôle et la gestion de tout par des règles officielles où non. Pour dompter une mer il faut en detruire les vagues. Question: une mer sans vague est elle encore une vraie mer ???
Philippe Da Costa: Le MMA est un super laboratoire de techniques martiales et de combat. Il a permis aux disciplines de combat et de self-défense d’évoluer. Une discipline de combat sans évolution devient obsolète.